Vidéo-héritage : Le témoignage de toute une vie - Chroniques | Coopérative funéraire du Fjord

Vidéo-héritage : Le témoignage de toute une vie

« Pour les dernières heures de ma vie, je voudrais que vous tous, mes enfants, soyez réunis autour de moi et que je puisse vous dire combien je vous ai aimés. Si je suis trop faible pour le faire à ce moment-là, je vous le dis aujourd'hui : oui, je vous ai tant aimés ! L'amour, c'est ça qui fait la vie. » Cet extrait d'une vidéo réalisée voilà quelques années n'a rien de fictif. Il est tiré de l'enregistrement audiovisuel d'une dame âgée bien portante qui, quelques années avant sa mort, tenait à laisser un témoignage vivant en héritage à ses enfants.

La réalisation de semblables documents fait partie d'une panoplie de nouveaux services personnalisés que la Coopérative funéraire des Deux Rives, de Québec, offre à ses membres. « Cela s'inscrit dans les solutions de rechange que nous mettons de l'avant pour répondre, de façon signifiante et respectueuse, à l'abandon de plusieurs formes de rituel au cours des dernières années », explique Garry Lavoie, directeur général de la Coopérative des Deux Rives.

Déjà, quelques entreprises funéraires – dont Les Deux Rives – offrent des vidéos-souvenirs en hommage au défunt. Il s'agit de montages à partir de photos et, dans certains cas, d'extraits de films vidéo, qui retracent les principales étapes de la vie de la personne. Ces vidéos sont présentées en boucle au salon funéraire ou durant la cérémonie religieuse à l'église (voir l'encadré).

Émotion et authenticité

Avec le vidéo-héritage, on va beaucoup plus loin. Il s'agit cette fois d'une entrevue filmée, entièrement réalisée du vivant de la personne, par sa propre décision. Le cas typique est celui des enfants de personnes âgées qui demandent à leurs parents de livrer un témoignage sur leur vie, dont les petits-enfants pourront profiter un jour, raconte Paul Gervais, de Production Paul Gervais communication, qui produit ces documents pour la Coopérative des Deux Rives.

Mais l'initiative peut aussi venir de la personne elle-même. Quelqu'un qui a simplement le désir de relater sa vie, étape par étape, pour en faire cadeau à ses proches, de son vivant ou après sa mort. Ou bien qui veut raconter sa grande passion, celui-ci pour l'ornithologie, cet autre pour le pilotage d'avion... Certains, soucieux de léguer leurs valeurs, en font même un véritable testament spirituel. Peu importe ce qui est livré, toutefois, l'émotion et l'authenticité sont toujours au rendez-vous.

Quoi de mieux, en effet, qu'une caméra intimiste pour transmettre ce rire si communicatif ou ce froncement de sourcil tellement caractéristique d'une personnalité ! Tout au long de l'entrevue, on voit la personne rire, hésiter, devenir triste... « Certains silences sont très éloquents », confie M. Gervais qui, tout en guidant l'entrevue au côté d'une caméra fixe, sait se faire discret lorsqu'il le faut, ou relancer le dialogue au moment opportun. On ne voit jamais l'intervieweur et, lorsqu'il intervient, on n'entend sa voix qu'en sourdine.

Pour un DVD d'une heure, il faut compter en moyenne trois heures d'entrevue, qui peuvent être effectuées aussi bien dans le studio de M. Gervais que dans l'intimité du foyer de la personne filmée. Au montage, différentes images peuvent être intégrées au document : église du village natal, photo de graduation ou même séquences de film en « super 8 » tournées plusieurs décennies auparavant.

Une expérience significative

Si le témoignage est généralement livré avec beaucoup d'émotion – ce qui n'exclut pas la sérénité –, c'est aussi avec émotion qu'il est reçu par les enfants et petits-enfants. Pour Jeanne-Marie Gingras, de Magog, le récit que sa mère a fait devant la caméra à l'âge de 76 ans a été une véritable révélation. « Une expérience extrêmement significative, dit-elle, qui m'a en quelque sorte permis de me réconcilier avec cette femme si semblable à moi, dont je ne connaissais que trop peu de choses sur le passé. »

La première fois que Mme Gingras a regardé la vidéo, c'est en compagnie de sa mère elle-même, quelque mois avant le décès. « Cela nous a rapprochées, confie-t-elle. Ce fut un moment fort qui nous a permis d'échanger. Elle était touchée de voir mon intérêt pour ce qu'avait été sa vie. » Cinq ans après, Mme Gingras a revu le film, puis de nouveau tout récemment, encore cinq ans plus tard. Aussi émue, elle a pleuré et revécu des moments touchants les deux fois. « Ça m'a encore fait comprendre de nouvelles choses, sur moi et sur ma mère. J'ai notamment pris conscience qu'elle avait toujours fait de son mieux et qu'elle avait été très généreuse. Lorsqu'on est enfant, on ne se rend pas compte de la générosité qu'il faut pour préparer sans rechigner un pique-nique pour 10 personnes. Ce document m'aide à recadrer tout cela dans une perspective plus juste et continue d'améliorer la perception que j'ai de ma mère. »

Aujourd'hui âgée de 63 ans, Mme Gingras entend bien offrir le même genre de témoignage à ses enfants. « Question de laisser des traces, des souvenirs, des racines », ajoute-t-elle.

Lors des arrangements préalables

Le directeur général de la Coopérative des Deux Rives prévoit que les vidéos-héritages seront de plus en plus populaires au cours des prochaines années. Entre autres parce que les baby-boomers arrivent à l'âge où ils sont confrontés à la mort (la leur et celle de leurs parents) et qu'ils ont toujours révolutionné les pratiques, partout où ils sont passés.

Actuellement, les conseillers de la Coopérative offrent le service de vidéo-héritage dans le cadre des contrats d'arrangements préalables qu'ils concluent avec les personnes intéressées. Comme pour les vidéos-souvenirs, les membres bénéficient alors d'un escompte de 10 % sur le produit, sans compter qu'ils n'ont pas à trouver eux-mêmes une firme pour réaliser le document. Les prix sont de l'ordre de 2000 $ pour un document de deux heures.

En fait, « ce genre d'expérience n'a pas de prix », affirme Jeanne-Marie Gingras. Que vaut, en effet, pour les membres d'une famille le privilège de voir leur mère, cinq après sa mort, leur déclarer « oui, je vous ai tant aimés »?

Vidéo-souvenir ― Un hommage en photos

Le vidéo-souvenir est un hommage rendu au défunt dans un montage-photos qui est présenté en boucle au salon funéraire ou lors de la cérémonie d'adieu.

Produit sur support DVD, le montage peut comporter une musique de circonstance et quelques extraits sonores. Chaque photo apparaît sur un fond de scène choisi par la famille, souvent avec un court texte explicatif. On peut aussi y intégrer un bref message à l'intention des personnes présentes, par exemple une invitation au goûter après la cérémonie. « Ces vidéos-souvenirs sont particulièrement appréciés en l'absence du corps, lorsque seule l'urne contenant les cendres est visible », précise Garry Lavoie, directeur général de la Coopérative funéraire des Deux Rives.

La seule contrainte importante pour la famille est le temps. Puisque le document doit être prêt pour l'exposition du défunt ou la cérémonie d'adieu, le choix des photos et autres pièces à utiliser pour le montage doit se faire dans un délai très court. Mais comme ce sont les proches qui sélectionnent les photos, le plus souvent en famille, cette occasion permet déjà de vivre une première étape du deuil, qui est de parler du défunt.

Une fois qu'elle a tout le matériel en main, la firme de communications qui réalise le document est en mesure de le produire en 48 heures. La famille peut ensuite obtenir le nombre d'exemplaires qu'elle désire.

Par Serge Beaucher
Avril 2007

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